Vous êtes présents chaque année pour l’événement NEC. Qu’apporte un tel événement aux acteurs du numérique et aux collectivités ?
En premier lieu, il s’agit de se retrouver pour échanger, mais aussi confronter nos regards. Avec plus de 1800 participants, l’événement permet de débattre dans un cadre ouvert et bienveillant et de lâcher les discours trop convenus. NEC est aussi un moment privilégié pour se former, notamment auprès de chercheurs qui présentent leurs travaux, mais aussi auprès de pairs qui dévoilent de bonnes pratiques. C’est, enfin, l’occasion de faire un état des lieux des politiques publiques en matière d’inclusion et d’éducation au numérique.
Le thème de cette édition était : “L’émancipation des citoyens et des citoyennes en contexte numérique”. Où en est-on aujourd’hui sur le sujet ?
Nous vivons dans une société numérique : celles des géants du numérique mais aussi de l'administration ou des startups. Mais comment permettre aux gens de s’approprier le numérique ? Comment on construit des cadres de délibération, de création, d’action ? Simon Collin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’équité numérique en éducation, a animé une conférence sur le sujet. Il y parlait de deux pans de la citoyenneté numérique : l’éducation adaptative (dédiée aux outils, à l’environnement informatique) et l’éducation émancipatrice, dans laquelle on accède à un espace d’échange critique et délibératif pour choisir et construire ensemble. Les deux sont nécessaires, et c’est ce que prône Class’Code depuis toujours : comprendre et maîtriser pour critiquer et agir. Avant d’être adaptatif, le code est bien un outil de création et d’émancipation. C'est ce que nous défendons avec la maîtrise de la pensée informatique.
Quels sont les principaux freins à l’usage du numérique ?
Aujourd’hui, la question de l’inclusion numérique s’élargit et rejoint celle de l’éducation au numérique. Comme l’a rappelé lors d’une conférence Pascal Plantard, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Rennes 2, deux tiers de la population française subit des freins psycho-sociaux : besoin de reconnaissance, manque de confiance en soi, peur de mal faire, manque de conscience des dangers…Il faut voir le numérique comme un outil sociotechnique qui porte une certaine vision du monde. Un instrument auquel il faut s’adapter, mais qu’il faut aussi questionner. D’où l'intérêt de se former tout au long de sa vie et de pouvoir contribuer à la création d'outils qui répondent réellement aux besoins de chacun où qu'il se trouve dans la société.
La dépendance française aux géants technologiques américains n’a jamais été aussi importante. Quels sont les leviers existants pour un numérique d’intérêt général ?
La souveraineté du numérique est un sujet central. Bien sûr, il est essentiel de se poser la question des outils, de la captation des données et des financements. Pour autant, c’est à nous tous, citoyens et politiques, de nous positionner ! Si l’on ne met pas de moyens dans l’éducation, dans la recherche, dans l’industrie, si on ne soutient pas les acteurs de terrain, on est à la merci de ces outils, parce qu’on va naturellement vers ce qui fonctionne. Et ce n’est pas en faisant la morale que ça peut marcher. Nous soutenons le travail des acteurs de terrain qui mettent toute leur énergie à promouvoir les outils souverains. Mais la responsabilité est d’abord politique. Au-delà du numérique d’intérêt général, il faut d’abord penser à l’intérêt général tout court. Remettre l’humain et l’expérience utilisateur au centre, écouter les citoyens, répondre à leurs besoins, faire avec eux.
Vous avez participé à la journée Off de NEC, dédiée à la citoyenneté numérique et à la production de ressources éducatives durables. Quels sont les grands axes qui ressortent de cette journée ?
Cette journée, organisé par la CNIL, l'Arcom, le Défenseur des droits et avec la participation de la BDT et de la DNE, a réuni de multiples acteurs, dont de nombreux adhérents et partenaires Class’Code : l’Inria, Tralalere, la DRANE de Lyon, Léo Lagrange, la Ligue de l’enseignement, la Fondation Blaise pascal, Réseau Canopé, la DNE, la Banque des territoires, la CNIL… L’intérêt de ce temps fort, c’était de se poser la question du positionnement et de la complémentarité des acteurs. Mais aussi et surtout d’envisager les ressources au sens large du terme : ressources financières, humaines, réseau, communication. Nous avons toutes et tous des ressources à partager ! L’objectif, c’est de tisser du lien, et d’arriver à faire travailler les acteurs ensemble, dans leur diversité. La suite devrait s’écrire dans les prochains mois, pourquoi pas lors de la journée des partenaires Class’Code début 2026.
Vous êtes intervenus pour deux formats “Regards croisés” : “Peut-on concilier éducation à l’IA et IA dans l’éducation ?” et “Face à l'avalanche des ressources en IA, faut-il converger sur un cadre partagé ?”. Que retenez-vous de ces échanges ?
La rencontre sur les ressources a rassemblé plusieurs institutions qui font un travail monumental. C’est une richesse d’avoir autant d’acteurs engagés sur le sujet ! Mais ce qui nous a marqué, c’est surtout l’intervention autour des cafés IA. Le principe : permettre à chacun de débattre des bouleversements introduits par l'IA, de faire part de ses craintes, de ses questions, de ses attentes. Il nous semble qu’il faut davantage d’espaces de délibération proches des gens comme celui-ci.
La rencontre sur éducation et IA partait du postulat qu’aujourd’hui, il n’est plus possible de faire l’impasse sur l’éducation au numérique. L’IA est loin d’être un simple objet technique ! Les échanges ont mis en lumière la nécessité de construire des IA spécialisées dans l’éducation. Mais également de se pencher sur les enjeux et les critiques que ces outils posent à l’éducation.
Comment le réseau Class’Code est-il une réponse concrète à ces différents enjeux ?
Class’Code est, depuis ses débuts, dans une logique de mutualisation et de travail collégial. Toutes nos actions s’articulent autour de l’appropriation des techniques et de l’émancipation citoyenne. Ce qui prime dans notre travail, ce ne sont pas les ressources en elles-mêmes. C’est notre capacité à faire travailler ensemble des acteurs issus de champs variés : éducation populaire, éducation nationale, startup et grandes entreprises et acteurs majeurs de la tech… Co-construire dans un espace bienveillant et réflexif, créer du lien entre les initiatives, discuter et agir en permanence : c’est comme ça que nous répondons aux enjeux du numérique !