CREIA, la communauté dédiée à l’IA en éducation

Clément Fantoli, chef de projet CREIA

CREIA, la communauté dédiée à l’IA en éducationLancée en septembre 2024, la CREIA (Communauté de Réflexion et de Pratique en Éducation sur l’Intelligence Artificielle) est une communauté apprenante qui s’adresse à tous les acteurs de l’éducation.

Son objectif : offrir un espace de réflexion, de partage et de collaboration pour mettre l’innovation et l’IA au cœur des actions de formation. Focus sur cette initiative de la Direction du Numérique pour l’Éducation (DNE) avec Clément Fantoli, chef de projet CREIA.

Comment est née la CREIA ?

L’émergence des IA génératives a poussé la DNE, début 2023, à se pencher sur cette idée de communauté apprenante. L’IA se développe à grande vitesse, et nous voulions mettre à profit le collectif pour faire face à ce raz de marée. Dans un premier temps, nous avons souhaité construire l’objet avec une poignée de formateurs. Nous pensions être suivis par une quinzaine, ce sont finalement 150 professionnels de l’éducation issus des DRANE qui ont rejoint l’aventure !

Nous avons passé 8 mois à co-construire la  proposition CREIA qui se matérialise sur M@gistère. Le projet a été ouvert plus largement à l’ensemble de la communauté éducative lors de la pré-rentrée 2024, avec l’ambition de répondre aux enjeux de l’IA dans le champ de l’éducation. 

Comment le travail en réseau nourrit-il la plateforme ?

Le projet de la CREIA est bâti sur une approche horizontale, qui permet à chaque membre de partager ses idées et de se nourrir de l'expérience des autres. Chef d'établissement, inspecteur, enseignant, conseiller ministériel, AESH... Chacun a le même poids pour alimenter l’un des trois forums intitulés “IA dans la classe”, “IA au service de la communauté éducative” et “Café virtuel IA et éducation”. Ici, ce n’est pas le ministère qui donne sa vision, mais bien les membres, qu'ils soient enthousiastes ou plus sceptiques face à l’IA.

Les forums sont également un lieu de veille et d’information, et offrent la possibilité à des projets qui fonctionnent de prendre vie dans d’autres régions. En 6 mois, 640 messages ont déjà été échangés. 

Quels sont les outils proposés aux membres ? 

La plateforme permet à la fois de recenser les idées et les échanges, mais aussi de mutualiser les ressources et formations. Dans l’espace Ressources, les 4 000 membres peuvent retrouver des retours d’expérience et de la veille, avec un top 10 des contenus à consulter, pré-filtrés par le ministère pour gagner du temps dans sa recherche d’informations. Nous souhaitons également accompagner les usages, notamment au travers de webinaires thématiques animés par des experts.

Le tout premier était d'ailleurs animé par Bastien Masse, DG de Class’Code, autour des enjeux, capacités et limites de l’IA en éducation. Ces webinaires sont disponibles en direct et en replay. La partie agenda renseigne sur les dates de ces webinaires, mais aussi d’autres dates clés comme celles des GTNum GenIAL, IA2GE et Scol_IA.


Qu’en est-il de de la formation ?

L’espace Formations permet à la fois de s’acculturer sur le fonctionnement des IA (notamment grâce aux outils de Vittascience) et de se former aux usages et aux outils. Nous ne poussons aucun outil en particulier, puisque beaucoup ne respectent pas le RGPD. Nous venons questionner les pratiques et usages. Nos formateurs réalisent des micro-modules en lien avec les besoins repérés sur le terrain et dans les forums. Pour chaque formation produite, nous demandons à la communauté de nous faire des retours et des contre-propositions avant de la mettre à disposition, en commun numérique, à plus large échelle.

Ces grains de formation sont régulièrement utilisés dans des formations plus poussées données dans les académies. 

Comment la CREIA collabore-t-elle avec la recherche ?

Nous accueillons des chercheurs au sein de la communauté, mais aussi lors de nos webinaires. Certains présentent leurs travaux et livrent leurs rapports de progression sur la plateforme. À terme, nous aimerions que la CREIA soit un point de rencontre majeur entre recherche et terrain, pour passer du labo à la classe.

J’invite les chercheurs à réaliser des appels à commentaire et à échanger directement sur nos forums ! Le côté horizontal de la plateforme peut réellement leur permettre d’aller plus vite, plus loin.

Pourquoi est-il essentiel d’accompagner les élèves dans leur compréhension et leur usage des IA ?

Les IA ne sont plus vraiment une nouveauté. Elles sont à disposition du grand public depuis des années, et les élèves s’en emparent déjà. Et pour former massivement les élèves, il faut avant tout former les enseignants ! L’urgence aujourd’hui, c’est d’acculturer ces élèves sur un usage raisonné de l’IA, et d’éveiller leur esprit critique. À terme, il s’agira de travailler avec des IA paramétrées pour le système éducatif, et pourquoi pas proposer aux élèves des tuteurs particuliers en lien avec leurs potentiels et leurs difficultés. Le potentiel d’adaptation de l’IA permettra de viser la “zone proximale de développement” pour chaque apprenant. Cette notion suggère que les enfants progressent davantage lorsque le travail demandé est suffisamment complexe et nécessite une aide extérieure. Le tutorat pourrait aussi être une façon de retirer de la charge mentale aux enseignants. 


Comment voyez-vous l’évolution du métier d’enseignant ?

Les IA constituent une opportunité, mais comportent aussi des limites pour le métier d’enseignant. Quoiqu’il en soit, on assiste à une rupture épistémologique, avec un bouleversement des pratiques. Vous avez la possibilité de brainstormer avec l’IA, construire ou enrichir des plans de cours, trouver des idées neuves, générer des quiz ou des évaluations... Le rag (génération augmentée de récupération) est aussi un moyen d’optimiser sa pratique, en poussant ses propres documents pour que l’IA puisse s’appuyer dessus pour générer des réponses.

Toutes les disciplines sont concernées, de la technologie à l’histoire en passant par les sciences et le français ! Plutôt qu’évaluer un élève sur une production, les enseignants vont devoir évaluer le chemin de pensée qui amène à un résultat final. Aujourd’hui, il nous faut rassurer la communauté éducative sur la génération de contenus pédagogiques, tout en la sensibilisant aux limites de l’IA.

  

Quel serait un monde idéal en matière d’éducation à l’IA ?

Dans un monde idéal, il faudrait d’abord passer par la case éducation avant de manipuler l’outil. Forger l’esprit critique des élèves sur ce que fait l’IA et ce qu’elle ne fait pas. De plus en plus d’élèves se servent de l’IA comme d’une confidente... Et offrent ainsi des données personnelles pour notamment entraîner des modèles !

Dans un monde idéal, tous les enfants et les jeunes seraient sensibilisés à la donnée, aux biais humains et algorithmiques, aux impacts environnementaux des IA, non seulement dans l’usage mais aussi dans l’extraction des matières premières. Et tous, élèves comme enseignants, devraient pouvoir échanger sur ces bouleversements pour s’adapter et évoluer ensemble. 

Vous êtes enseignant, inspecteur de l’éducation nationale, enseignant, AESH...? Vous êtes le bienvenu pour rejoindre la communauté CREIA