Bonjour Benjamin, où es-tu, que fais-tu, peux-tu te présenter ?
Bonjour Fanny ! Je suis ingénieur de recherche spécialisé dans les applications Web au sein de la Direction des Systèmes d’Informations Inria. Je partage depuis quelques années mon activité entre le développement de logiciels nécessaires au fonctionnement interne de l’institut, et l’innovation pédagogique liée au numérique. J’ai par exemple fait partie du petit groupe d’ingénieurs qui ont mis en place la plateforme de MOOC FUN et j’ai réalisé la plateforme d’exercices de programmation en ligne qu’on retrouve dans différents Moocs Inria (Python, Bio-informatique, Mobile Robots, etc.). Je donne également des cours à l’université à mes heures perdues ☺ .
Comment as-tu rejoint le projet Class’Code ?
Mon équipe avait déjà travaillé sur plusieurs sujets de médiations scientifiques et nous assurons l’hébergement de Pixees. C’est dans ce contexte qu’on est venu me présenter Class’Code. J’ai tout de suite adhéré au projet, tant sur l’impact sociétal que sur l’intérêt pédagogique et technique d’aller plus loin que les MOOCs traditionnels, pour former en continu les professionnels de l’éducation.
Tu travailles du côté obscur de la force et tu te bats contre les robots pour développer Class’Code au sens propre du terme ! Peux-tu nous décrire ta mission ?
Dark Vador contre Terminator, ça ferait un bon film (ou pas d’ailleurs) ! Mais en réalité, mon métier est moins sensationnel que ça ☺. Pour être tout à fait honnête, on ne savait pas exactement jusqu’où on allait aller en commençant à travailler sur la plateforme. On voulait faire en sorte qu’en plus des interactions numériques, les apprenants puissent se rencontrer en présentiel, pour s’entraider dans leurs formation et partager les bonnes pratiques. Mais, du fait de cette innovation, les contours n’étaient pas plus précis que ça, et entre les contraintes techniques, la diversité des métiers et des compétences des différents acteurs de Class’Code et les délais serrés, ce projet était un vrai défi !
Nous nous sommes donc mis à la tâche en décidant d’avancer de manière « agile ». Avec mon collègue Ludovic Bellier, on a commencé par faire une « preuve de concept » (comme on dit chez nous) en montrant que c’était réalisable. Ensuite s24b a fait des propositions graphiques et ergonomiques et nous avons fait évoluer la solution de manière itérative (et incrémentale) pour satisfaire les nombreuses remontées utilisateurs. On peut parler de « co-construction » avec, à la fois s24b, les coordinateurs de Class´Code et les utilisateurs, puisqu’ils sont eux même à l’origine d’une bonne partie des fonctionnalités actuelles ! On a fait évoluer également notre méthode de gestion du projet au fil de l’eau en se concentrant sur l’essentiel.
Tu veux dire que tu t’es retrouvé à la fois concepteur-développeur et co-animateur de ce projet ! Comment s’est organisé ce groupe collégial ?
Oui, et pour rentrer un peu plus dans le détail (et ça risque de faire grincer des dents certains chefs de projets traditionnels), nos seuls outils ont été :
- un pad (du type https://framapad.org/ ) pour effectuer le suivi des demandes et des réalisations
- un espace partagé où stocker les documents décrivant le projet, les maquettes et autres éléments de design
- un dépôt (système de contrôle de version) pour partager le code source
- le mail, la messagerie instantanée et surtout la visio-conférence sur poste de travail !
En fait, je n’ai jamais rencontré en vrai aucun autre membre du projet ! Malgré l’éclatement géographique des uns et des autres sur tout le territoire, nous avons un bilan carbone très positif puisque nous ne nous sommes jamais déplacés. Class’Code est donc aussi un bel exemple de projet écologique et de transformation des usages grâce au travail à distance : tous nos échanges ont été uniquement numériques.
On dit de Class’Code qu’il s’agit d’une formation innovante et hybride, peux-tu nous en dire plus ?
Lorsque je participais récemment, pour Inria, à un débat citoyen sur les MOOCs, une des critiques majeures faite à ce dispositif d’enseignement était que l’apprenant se retrouve seul face à son écran. Si une partie de la population est à l’aise avec les communautés purement virtuelles, ce n’est pas le cas de tout le monde. Le principe même des MOOCs a tendance à mettre de côté toute une catégorie de personnes qui a légitimement besoin de lien social en présentiel. Une idée avait émergé lors de ce débat, celle de mettre en place des espaces de « co-moocing » à l’image des espaces de « co-working » pour les télétravailleurs.
Class’Code dépasse cette limitation des MOOCs en implémentant cette idée de cours en ligne doublés de temps de rencontre (d’où le côté hybride) : la plateforme permet aux apprenants de se retrouver pour approfondir certains aspects, s’encourager, s’entraider. La méthode inclut aussi de faire appel à des « facilitateurs », des professionnels de l’informatique, comme personnes ressources afin de fluidifier ces temps de rencontre et d’expliquer ou d’approfondir certaines notions.
Si tu devais décrire la philosophie de ce développement technique de Class’Code, que dirais-tu ?
Le qualificatif le plus adapté serait « pragmatisme ». Nous avions peu de temps et beaucoup de choses à faire, on a donc été au plus rapide. Le blog Pixees (utilisant la technologie « WordPress ») et sa communauté existaient déjà, permettant à l’équipe pédagogique de mettre à disposition du contenu et de publier des actualités sur le projet. Nous avons donc pris comme point de départ ce blog, et nous avons développé des briques logicielles compatibles avec wordpress pour satisfaire les besoins de Class’Code, tant sur l’aspect design/ergonomie que sur l’aspect fonctionnel. Un des avantages de wordpress est sa communauté active, qui met à disposition des « plugins » ajoutant des fonctionnalités. Nous en avons testés quelques-uns qui semblaient aller dans le sens de Class’Code : dans certains cas nous les avons intégrés à la plateforme lorsqu’ils répondaient effectivement au besoin, dans d’autres cas nous nous en sommes juste inspirés pour réaliser nous-mêmes les évolutions souhaitées.
En faisant cela, nous avons aussi permis que des collègues qui ne sont pas des informaticiens professionnels puissent co-maintenir la plateforme avec nous. Nous n’avons donc pas cherché la meilleure solution dans l’absolu, mais celle qui allait le mieux convenir à cette communauté. En effet Class´Code forme au code, et bien sa plateforme peut évoluer y compris avec des personnes initiées à Class´Code.
Quels sont tes objectifs pour développer le programme en 2017 ?
Il y a deux objectifs principaux. Le premier est de continuer à faire évoluer la plateforme au fil des remontées utilisateurs afin de faciliter toujours plus la création du lien social et l’acquisition de connaissances. Il y a par exemple récemment eu l’ajout d’une fonctionnalité permettant de voir et de contacter par mail les apprenants situés autour de chez nous, indépendamment des rencontres.
Le second est de réécrire l’ensemble des développements réalisés (ce qu’on appelle un « refactoring ») de manière à les rendre autonomes par rapport au blog, afin de pouvoir les réutiliser dans d’autres contextes que Class’Code : par exemple pour d’autres MOOCs Inria. Ce sera une des belles innovations de ce projet.
Pour finir, quels seraient tes arguments pour proposer à d’autres professionnels de l’informatique de rejoindre le programme en tant que facilitateurs ?
Le numérique est incontournable dans notre société actuelle, et ça sera encore plus vrai pour les générations futures avec les villes intelligentes et les objets connectés : il est indispensable que les adultes de demain en comprennent les impacts et les enjeux tant sur leur vie privée que sur le plan économique ou sociétal. Cette compréhension ne peut passer que par l’acquisition de compétences initiales en informatique, et c’est tout l’enjeu de Class’Code.
Devenir facilitateur c’est contribuer aux transformations de la société. Ces transformations passent par notre système éducatif : aider les enseignants à se former aux sciences du numérique c’est aider les générations futures à comprendre le numérique à travers les cours qui leur seront dispensés.
Benjamin Ninassi.